Dans son désir de mettre en oeuvre la Déclaration du Millénaire de 2000, l'ONU a récemment publié deux rapports importants : le premier, rédigé par le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, présente plus de 100 recommandations au système des Nations Unies et aux Etats membres pour mieux affronter les nouveaux défis du siècle en matière de sécurité dans le cadre d'un système de décision multilatéral renforcé. Le second rapport, produit par le Projet du Millénaire (réseau mondial de spécialistes coordonné par les Nations Unies), soumet des réflexions et des propositions en vue d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement dans les dix prochaines années. Les deux rapports seront au centre des débats des Nations Unies pendant l'année 2005 et devraient fournir un cadre conceptuel important à la Réunion plénière de haut niveau de la soixantième session de l'Assemblée générale des Nations Unies, qui doit avoir lieu en septembre pour évaluer les progrès de la mise en oeuvre de la Déclaration du millénaire de 2000.
Le rapport du Groupe de haut niveau, intitulé Un monde plus sûr : notre responsabilité à tous, a pour but de dynamiser la communauté internationale pour repenser le concept de sécurité collective afin d'englober non seulement le terrorisme et les menaces militaires, mais aussi les menaces issues de la pauvreté, de la criminalité transnationale, de la dégradation de l'environnement et des changements climatiques, du VIH/SIDA et de la prolifération des armes de destruction massive.
Le rapport vise en même temps à donner aux gouvernements du monde une indication des réformes les plus urgentes à adopter pour permettre aux Nations Unies de répondre à ces nouveaux défis de manière intégrée. Le rapport soutient notamment que l'ONU traite les problèmes de manière trop cloisonnée, ce qui l'empêche de discerner et d'aborder efficacement les menaces très diverses du monde d'aujourd'hui. Les auteurs remarquent par exemple que ce n'est qu'en 2000 que le Conseil de sécurité a organisé son remier débat sur les risques posés à la sécurité par le VIH/SIDA.
Le rapport explique clairement que, à l'ère de la mondialisation, les défis auxquels est confrontée la communauté internationale sont tellement interdépendants et d'une telle ampleur qu'on ne peut y répondre que par des solutions mondiales. Le multilatéralisme, régi par le droit international, est donc d'une importance capitale. En outre, si les gouvernements veulent garantir la sécurité de leurs peuples, ils doivent concevoir la sécurité humaine dans les termes les plus larges possibles. Autrement dit, le développement et la sécurité sont devenus indissociables.
A ce sujet, le Projet du Millénaire, intitulé Investir dans le développement : un plan pratique pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement, complète très bien les conclusions du Groupe de personnalités de haut niveau. Le Projet du Millénaire a engagé un immense effort de recherche, où les meilleurs spécialistes de tous les domaines du développement ont contribué à déterminer les investissements les plus efficaces que peuvent faire les gouvernements pour réaliser les huit Objectifs du Millénaire pour le développement adoptés en 2000. Le rapport évite les dogmes et l'idéologie pour toucher au coeur du problème du développement. Constatant que trop de pays se sont égarés dans leurs efforts pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement, la première hypothèse est que seuls des investissements massifs dans les infrastructures physiques, le capital humain et les développements institutionnels permettront aux pays pauvres de réaliser leurs objectifs d'ici à 2015.
L'une des principales recommandations émises par le rapport du Projet du Millénaire, qui est peut-être la plus pertinente pour les parlementaires, est que les gouvernements devraient concevoir des stratégies nationales de dix ans qui seraient directement adaptées à la mise en oeuvre du plan de base du rapport. Ces stratégies devraient être élaborées en consultation avec tous les partenaires nationaux, et avec l'ensemble de la population. Alors que des Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté sont déjà disponibles, le rapport recommande de les modifier pour les mettre plus explicitement au service de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement. Il va sans dire que les parlements jouent un rôle clé dans la mise en oeuvre des plans stratégiques recommandés et dans les consultations nationales sur ce point.
Les incidences de ces deux rapports sont nombreuses et considérables pour l'UIP et ses parlements membres. Une grande partie des recommandations émises est conforme aux positions qu'a prises l'UIP ces dernières années. La nécessité de définir le terrorisme de manière cohérente pour mieux cibler les sanctions et augmenter l'aide publique au développement de manière prévisible, et d'autres orientations du même type ont aussi été abordées par les parlements membres de l'UIP. D'autres recommandations, en revanche, sont inédites, et méritent une réflexion approfondie au niveau parlementaire.
Au Siège de l'ONU à New York, ces documents de base ont déjà fait l'objet d'un examen minutieux. De nombreuses délégations ont souligné les domaines dans lesquels les rapports présentent des arguments et des contributions valables, ainsi que les aspects qui n'ont pas été suffisamment explorés, comme le rôle du développement économique dans la sécurité collective, la nécessité d'ajouter de nouveaux membres mais aussi d'adopter de meilleures méthodes de travail et de meilleurs mécanismes de décision dans la réforme du Conseil de sécurité, et les risques qu'il y a à faire primer la non-prolifération sur le désarmement. Alors que la communauté parlementaire se prépare à la deuxième Conférence mondiale des présidents de parlement qui doit être organisée par l'UIP en coopération avec les Nations Unies plus tard dans l'année à New York, les deux rapports arrivent au moment le plus opportun. Ils constituent une base de réflexion sur les questions les plus critiques de notre temps et un matériau que les parlements peuventintégrer à leurs délibérations. Ils fournissent aussi une base de consultation et d'analyse pour concevoir les documents finals de la Conférence mondiale de 2005 au cours de laquelle les dirigeants parlementaires seront appelés à se prononcer sur l'avenir du multilatéralisme, le renforcement du système des Nations Unies et l'évolution de la dimension parlementaire de la coopération internationale, en particulier en ce qui concerne les activités de l'ONU.