Logo de l'UnionUNION INTERPARLEMENTAIRE
PLACE DU PETIT-SACONNEX
1211 GENEVE 19, SUISSE
 

DOCUMENT FINAL DE LA

CONFERENCE INTERPARLEMENTAIRE SUR
"UN DIALOGUE NORD-SUD POUR UN MONDE PROSPERE"

Organisée par l'Union interparlementaire
Ottawa (Canada), 18-22 octobre 1993


LES RELATIONS NORD-SUD DANS UN NOUVEAU CONTEXTE

1. Les relations Nord-Sud doivent être considérées dans le nouveau contexte mondial, marqué par la fin du clivage entre l'Est et l'Ouest avec toutes ses conséquences. Le monde est actuellement le théâtre d'autres changements politiques, économiques et sociaux d'une importance fondamentale. Les pays industrialisés perdent de leur dynamisme économique et se heurtent à de graves problèmes de croissance et de chômage, tandis que plusieurs régions du monde en développement se transforment en pôles de croissance. Avec l'évolution rapide des techniques, les frontières nationales perdent de leur importance et les activités transnationales prennent de l'ampleur. Partout dans le monde, l'environnement subit de graves dégradations, ce qui remet en question la durabilité du processus de croissance dans le monde entier. Tout cela montre combien il est nécessaire de conclure, tant entre pays développés et pays en développement, qu'entre ces derniers eux-mêmes, de nouveaux contrats de développement destinés à favoriser effectivement une croissance et un développement durables à long terme.

2. S'il existe bien des îlots d'abondance dans le monde en développement, et des poches de misère dans le monde développé, ce sont la profondeur, la gravité et l'étendue de la pauvreté qui caractérisent la division entre le Sud et le Nord. Une grande partie de la population mondiale vit dans la pauvreté. Les problèmes de l'Afrique sont particulièrement aigus. La pauvreté est une cause grave d'instabilité politique à l'intérieur des pays et entre eux. L'élimination de la pauvreté absolue exige l'engagement et l'action les plus fermes de la part de la communauté internationale. L'élimination de cette pauvreté est étroitement liée à la solution des problèmes de la famine, de la sécurité alimentaire, de la croissance démographique rapide, des taux élevés de mortalité et de morbidité, de l'analphabétisme et de la dégradation de l'environnement. Ces problèmes doivent, ensemble, figurer en tête du programme de développement.

3. Du fait de la tendance à la mondialisation de la production dans nombre de secteurs cruciaux, les échanges commerciaux et financiers internationaux, ainsi que les transferts de techniques et de ressources humaines obéissent à des règles entièrement nouvelles. On assiste à la montée de grandes entreprises, qui ont un siège symbolique dans un pays donné mais qui sont en fait des institutions cosmopolites et internationales. Cependant, les activités internationales de ces entreprises sont importantes pour les pays en développement comme pour les pays développés en raison, notamment, de leur impact sur la production, l'emploi, le niveau de vie et l'environnement. Plus que jamais, des activités inter-pays sont réalisées à l'intérieur d'entreprises, dans des conditions qui ne sont pas celles de la pleine concurrence, et les gouvernements du Nord et du Sud doivent en être mieux informés. Il est urgent de viser à une plus grande transparence de toutes les transactions économiques, en particulier entre nations. La Conférence demande instamment aux institutions du système des Nations Unies et autres d'accorder toute leur attention à ce problème pour rendre plus transparentes et mieux comprises les opérations transnationales, en particulier leurs conséquences sur la croissance économique des pays en développement et sur la protection sociale qu'ils offrent.

4. Une différenciation croissante a fait du Nord et du Sud deux blocs moins homogènes qu'ils ne l'étaient il y a 20 ou 30 ans. Il est donc important de différencier aussi les approches lorsqu'il s'agit de développer les relations entre le Nord et le Sud. Il est certains pays du Sud dont les revenus sont largement comparables à ceux de certains pays du Nord. Ces pays disposent d'une capacité manufacturière et technologique parfois tout aussi avancée. Il y a donc au Sud une nouvelle capacité qui peut faciliter le développement économique de la région, et des formes plus intenses de coopération entre pays du Sud devraient se révéler extrêmement profitables. Le phénomène de la différenciation croissante à l'intérieur des groupes et entre eux, y compris les inégalités de revenus et les déséquilibres régionaux, devrait être pris en considération dans les décisions de politique Nord-Sud.

5. La transformation récente des anciennes économies planifiées a modifié les conditions politiques et économiques mondiales du développement. Il est urgent de favoriser l'intégration de ces économies dans l'économie mondiale, laquelle pourrait engendrer des bénéfices considérables à moyen terme. Certes, l'intégration de ces économies dans les systèmes commerciaux et financiers des pays à économie de marché pourrait, dans l'immédiat, poser des problèmes; mais cela à court terme seulement si les pays en transition parviennent à transformer leurs structures économiques et sociales. Les pays développés, et les pays en développement qui ont la capacité de le faire, devraient fournir aux pays en transition des débouchés commerciaux et des facilités financières et techniques. Ces derniers devraient entrer, en partenaires, dans le dialogue Nord-Sud pour le développement.

NOUVELLE APPROCHE DU DEVELOPPEMENT

6. Il est urgent de mettre en oeuvre de nouvelles politiques pour parvenir à un développement durable. Le développement humain doit être considéré comme un élément déterminant du développement économique. Pour durer, l'efficacité économique doit aller de pair avec la mise en place de structures démocratiques, l'amélioration de la justice sociale et économique et le respect des droits de l'homme. Surtout, l'égalité entre hommes et femmes est au centre de toute politique visant à une distribution équitable des bienfaits de la croissance. Le développement humain exige que l'on se préoccupe d'urgence des investissements en matière de santé et d'éducation et que soient dispensés une éducation fondamentale et des soins de santé primaires. Le développement durable suppose que l'on recherche la croissance économique sans porter atteinte à l'environnement naturel. Dans un monde placé sous le signe d'une interdépendance grandissante, aucun facteur ne doit être pris isolément. Aussi faut-il adopter une approche intégrée face aux problèmes mondiaux et nationaux. Tout cela requiert une politique intérieure appropriée, s'appuyant sur des mesures efficaces de coopération internationale propres à favoriser le développement humain.

7. La Conférence a observé avec inquiétude que la politique que la plupart des pays en développement ont dû suivre sur les instances des institutions donatrices, tant bilatérales que multilatérales, a aggravé, dans bien des cas, la situation économique et sociale de ces pays au lieu de conduire à un progrès constant. L'ajustement structurel entrepris dans ces pays ne leur a pas permis de s'engager sur la voie d'un développement économique durable. Des erreurs de diagnostic, le fait que les questions du développement durable n'aient pas été prises en compte, le sous-financement ou la retenue de fonds prévus pour le long terme, la mauvaise évaluation des perspectives de croissance économique à longue échéance et le manque d'attention portée aux incidences sur la situation des pauvres ont compromis le succès des politiques d'ajustement structurel dans ces pays. La Conférence engage instamment les institutions donatrices à réexaminer et à réévaluer ces politiques et à les remplacer par des approches du développement durable plus adaptées.

8. Il est clair qu'un climat extérieur favorable est un préalable essentiel à un développement durable du Sud. S'il incombe aux pays en développement de conduire une politique nationale propice au développement, c'est à la communauté internationale qu'il revient de créer un climat extérieur favorable au développement. Il est nécessaire d'étudier et d'élaborer des mécanismes novateurs tels que les contrats de développement mentionnés aux paragraphes 1 et 18. Des accords multilatéraux équitables portant sur le commerce, des flux financiers substantiels et prévisibles tant publics que privés et un traitement très libéral et préférentiel pour les pays en développement les plus pauvres sont des éléments essentiels à un climat extérieur propre à soutenir le développement. Il convient avant tout de démocratiser les processus de prise de décisions relatives à l'économie mondiale, en associant pleinement tous les pays aux décisions concernant leur avenir.

COMMERCE

9. En ouvrant des débouchés commerciaux, le Nord peut offrir au Sud une forme d'aide extrêmement importante. Dans nombre de pays en développement, le commerce s'est révélé le moteur le plus efficace de la croissance économique, engendrant les ressources nécessaires pour éliminer la pauvreté. Les politiques protectionnistes sont non seulement une entrave aux échanges commerciaux Nord-Sud et, en général, un frein à l'expansion du commerce et à la croissance de l'économie mondiale, mais elles imposent aussi des coûts élevés au consommateur, tant des pays développés que des pays en développement. Le protectionnisme pose également de graves problèmes aux économies d'Europe de l'Est qui sont en transition; aussi cette question doit-elle être traitée d'urgence. Les pays en développement eux-mêmes doivent réduire le protectionnisme au fur et à mesure que grandissent leurs industries naissantes et en fonction de leurs priorités de développement.

10. Les entraves au commerce ont entraîné des augmentations considérables de prix, même pour les biens de consommation courante. La récession économique et la montée du chômage ne sont pas des conditions économiques propices à une politique active de réduction du protectionnisme. Cependant, l'expérience montre clairement qu'un renforcement du protectionnisme crée plus de problèmes qu'il n'en résout et que la levée des barrières commerciales est essentielle pour mettre un terme à la récession et au chômage. La Conférence invite instamment les gouvernements des pays en développement et des pays développés à poursuivre activement la lutte contre le protectionnisme.

11. La Conférence s'est déclarée profondément préoccupée par la montée du chômage et par le fait qu'une augmentation de la production n'entraîne plus nécessairement une expansion de l'emploi. Dans les économies développées, il a été constaté que l'application de techniques de pointe et l'augmentation de la productivité qu'elle entraîne sont des causes importantes du décalage de l'évolution de l'emploi par rapport à celle de la production. Aussi, lorsque les pays en développement appliquent les technologies de pointe nécessaires, doivent-ils tenir compte des conséquences qui peuvent en résulter pour l'emploi. De même, il est nécessaire, pour la gestion de l'économie mondiale, de mieux comprendre l'incidence de l'expansion du commerce sur la création d'emplois. Il faudrait viser à une conjoncture commerciale qui favorise la création d'emplois. Les pays en développement comme les pays développés devraient réexaminer d'urgence leur politique économique et sociale pour donner une grande priorité à la création d'emplois, puisque c'est là la meilleure façon de faire accéder une plus large population aux bénéfices de la croissance. Aussi la Conférence invite-t-elle instamment les gouvernements et les institutions multilatérales à examiner les relations entre le commerce et l'emploi de façon à pouvoir en tirer des conclusions pour la politique à suivre.

12. Si les barrières tarifaires ont été réduites au cours des deux dernières décennies, en revanche, les barrières non tarifaires, telles que les limitations volontaires des exportations, les subventions aux exportations, les taxes intérieures et autres mesures de restriction du commerce se sont multipliées, tout comme les réglementations sur la santé et l'hygiène. Il est urgent d'instaurer une transparence accrue en ce qui concerne les barrières non tarifaires, en particulier dans les domaines qui intéressent les pays en développement les plus pauvres. La Conférence demande instamment que ces barrières non tarifaires soient démantelées dès que possible.

13. Les produits de base revêtent, en tant que source de devises, une importance capitale pour de nombreux pays en développement. Les efforts internationaux et multilatéraux engagés pour négocier des accords commerciaux satisfaisants sur les produits primaires n'ont pas abouti. Le Fonds commun pour les produits de base n'a pas réussi à stabiliser et à augmenter les prix de ces produits. Les accords internationaux sur les produits de base ont été largement inefficaces, avec quelques exceptions ponctuelles au bénéfice des producteurs. Les accords de financement compensatoire du FMI et de la Convention de Lomé ont eu des effets limités. La transformation des produits primaires dans les pays en développement, même si elle progresse, est handicapée par des contraintes liées au marché, à la technologie et à l'information. Une surproduction de certains produits a été créée par des projets financés par des institutions d'aide multilatérale et bilatérale. La Conférence appelle le système des Nations Unies et les pays développés à examiner dans les plus brefs délais la situation internationale relative aux produits de base en vue, notamment, d'assurer des prix rémunérateurs aux pays en développement producteurs de produits primaires. Le protectionnisme agricole des pays développés limite non seulement les échanges commerciaux entre le Nord et le Sud mais impose aussi des coûts considérables au consommateur moyen. Si l'agriculture est essentielle pour les pays développés, il est vital que les activités agricoles de ces pays soient poursuivies de façon rentable et ne dépendent pas de subventions élevées.

14. Un grand nombre de pays en développement sont aujourd'hui exportateurs de produits manufacturés. Beaucoup exportent plus de produits manufacturés que de produits primaires. Les barrières non tarifaires jouent un rôle significatif en limitant l'expansion des exportations du Sud en produits manufacturés. Les secteurs du textile et de l'habillement, industries dans lesquelles les pays en développement jouissent d'importants avantages comparés, sont particulièrement touchés par ces restrictions. La Conférence recommande que ces entraves au commerce soient levées rapidement, dans l'intérêt à la fois des pays en développement et des pays développés. L'expansion des exportations du Sud devrait à son tour offrir des possibilités d'exportation aux pays développés, les pays du Sud ayant, en l'état actuel de leur développement, une demande énorme en services, en biens d'équipement, en biens intermédiaires et en biens de consommation techniquement avancés.

15. Le commerce des services est aujourd'hui une composante importante du commerce international et des échanges entre le Nord et le Sud. Pour être équitable, un régime multilatéral relatif au commerce des services doit tenir compte des avantages comparés de divers groupes de pays dans différents secteurs du commerce des services. Des services efficaces, notamment dans les domaines des communications, des télécommunications et des finances, sont essentiels au développement. Les pays en développement sont particulièrement bien placés en ce qui concerne la prestation de services et dans bon nombre de secteurs des services nécessitant une main-d'oeuvre importante, même lorsque les prestations exigées sont techniquement complexes. La plupart des pays en développement en sont encore au stade de l'édification de leur secteur tertiaire et ont donc besoin de soutien. La Conférence estime que les accords des Négociations d'Uruguay relatifs aux services devraient comprendre des dispositions spéciales en faveur des pays en développement les plus pauvres, afin que ceux-ci puissent développer leur secteur tertiaire.

16. L'accroissement du nombre et de la portée des accords régionaux relatifs au commerce et à la formation de marchés communs constitue un facteur favorable à l'expansion des échanges mondiaux. L'importance accordée au facteur régional découle naturellement de la restructuration politique et économique mondiale de l'ère post-coloniale. De même, de nouveaux pôles de croissance régionaux sont apparus à la suite de l'éclatement des économies planifiées. Le développement de la coopération économique régionale contribuera à la consolidation du système commercial mondial; en s'ouvrant sur l'extérieur, cette coopération peut contribuer de manière notable au renforcement des accords multilatéraux, économiques et commerciaux. La Conférence demande donc instamment aux nouveaux organismes régionaux de travailler dans l'optique d'un renforcement du multilatéralisme commercial.

17. Le système commercial mondial doit d'urgence être régi par de nouveaux accords multilatéraux. L'expansion du commerce ne peut être garantie que par des accords multilatéraux équitables, conciliant les intérêts des producteurs et des consommateurs. La Conférence appelle tous les Etats à mener à bon terme, d'ici la fin de 1993, les Négociations commerciales multilatérales d'Uruguay et à se mettre d'accord sur la création d'une Organisation du commerce multilatéral. Pour que ces négociations soient un succès, il faut que les pays en développement fassent l'objet d'un traitement spécial et différentiel. Il sera nécessaire de parvenir à un accord équilibré auquel tous les participants contribuent dans la mesure où leur niveau de développement le permet et dont tous bénéficient.

FLUX FINANCIERS ET DETTE

18. Les pays du Sud ont besoin de flux financiers accrus et prévisibles en provenance des pays du Nord et des institutions multilatérales. Les changements récents survenus dans l'équation politique mondiale n'ont pas diminué ce besoin. Il doit être satisfait, tout autant qu'auparavant. Il faudrait rechercher les modalités permettant un transfert de ressources, tant publiques que privées. De fait, étant donné que les excédents susceptibles d'être investis sont sensiblement plus importants dans le secteur privé, il est nécessaire de renforcer les mesures gouvernementales favorisant les investissements étrangers directs dans les pays en développement dans le cadre d'accords d'association à long terme entre pays en développement et pays développés ou entre groupes de pays. La Conférence recommande que la notion de tels contrats de développement et d'autres idées novatrices soient examinées en détail dans les instances intergouvernementales.

19. Ces dernières années, plusieurs pays en développement se sont dotés des capacités nécessaires pour transférer des ressources financières à d'autres pays en développement, et cette tendance doit être encouragée. Des systèmes et des accords différenciés doivent être mis en place pour satisfaire les besoins des différents groupes de pays en développement. Pour financer leurs activités de développement, la plupart des pays en développement ont besoin d'une aide publique au développement (APD), consentie à des conditions libérales et, de préférence, sous forme de dons. Plusieurs pays en développement pourraient voir satisfaits leurs besoins financiers par un mélange de prêts à des conditions de faveur et de prêts aux taux du marché. La plupart des pays en développement pourraient tirer avantage d'investissements étrangers directs. Les mécanismes bilatéraux et multilatéraux indispensables pour mobiliser ce type de flux financiers existent mais sont entravés par la pénurie de ressources.

20. L'une des tâches les plus urgentes qui incombent à la communauté internationale est de trouver des solutions appropriées au problème de la dette de tous les pays en développement. Bien que les banques commerciales des pays développés ne subissent plus les effets de la crise de la dette, celle-ci reste grave et empire dans les pays en développement les plus pauvres, en particulier ceux d'Afrique, et ceux qui sont dévastés par la sécheresse, la famine et d'autres catastrophes. La Conférence se félicité des réductions significatives de la charge de la dette de certains pays, accordées par le biais du Club de Paris, et demande instamment l'annulation d'une part accrue de la dette publique des pays en développement les plus pauvres. Cette annulation devrait couvrir les prêts accordés à des conditions de faveur par des institutions financières multilatérales, qui seraient habilitées à annuler ces dettes en vertu d'un nouveau mandat conféré par les pays membres. Il est prouvé que la remise de la dette est le moyen le plus sûr d'alléger le lourd fardeau financier des pays en développement les plus pauvres.

21. S'il est admis que l'ensemble des pays développés sont soumis à des contraintes financières dans un climat de récession, le transfert de 0,7% du PNB à l'APD doit être considéré comme une obligation internationale, vitale pour la gestion de l'économie mondiale. Il est aussi impératif d'atteindre cet objectif pour atténuer la pauvreté absolue et promouvoir des modèles viables de développement. La Conférence engage donc tous les pays développés à consacrer 0,7% de leur PNB à l'APD et à atteindre ainsi l'objectif convenu.

22. Les pays en développement les plus pauvres doivent être les principaux bénéficiaires de l'aide et les programmes et projets financés par l'APD doivent être axés sur les plus démunis. La Conférence recommande qu'une part accrue de l'APD soit consacrée au développement humain, à l'amélioration des systèmes de santé et d'éducation et à la protection de l'environnement. Pour un bon usage des ressources, il est capital que les gouvernements des pays bénéficiaires créent des institutions qui permettent que cette aide parvienne aux pauvres. Vu le rôle central que jouent les femmes dans la promotion du développement durable dans de nombreux pays, une proportion importante de l'APD devrait être allouée à des programmes et des projets dont les bénéficiaires directs sont des femmes.

23. La Conférence engage les pays développés donateurs à distribuer une part croissante de leur APD par les circuits multilatéraux. Dans ce contexte, elle a exprimé son inquiétude au sujet de la stagnation, voire de la diminution, de l'aide multilatérale. La Conférence demande instamment aux pays donateurs de maintenir et d'accroître leurs engagements envers les institutions du système des Nations Unies, l'Association internationale de développement de la Banque mondiale (IDA), et les filiales des banques régionales qui accordent des prêts à des conditions de faveur. Elle s'est préoccupée de ce que l'usage des fonds multilatéraux n'ait pas toujours été d'un bon rapport coût-utilité, et tout en estimant qu'il faut préférer les circuits multilatéraux, la Conférence recommande que les ressources soient dirigées avant tout vers les institutions qui obtiennent les meilleurs résultats dans le domaine du développement.

24. Les dépenses consacrées, soit par l'entremise du système des Nations Unies soit de façon bilatérale, au maintien de la paix et aux secours humanitaires augmentent, notamment en raison de l'instabilité croissante qui règne dans de nombreuses régions. Cependant, la Conférence recommande que ces dépenses ne se fassent pas au détriment des ressources allouées au développement. Elle suggère en particulier que les ressources affectées au maintien de la paix soient définies séparément de l'APD.

25. La Conférence invite les gouvernements des pays développés et des pays en développement ainsi que les organisations multilatérales, à rechercher tous les moyens possibles d'accroître les transferts de ressources vers le Sud et les prie instamment d'utiliser des mécanismes qui ne grèvent pas de façon significative les budgets des pays donateurs. Il faudrait donc étudier avec attention les propositions faites par de nombreux pays, développés et en développement, et par le FMI, d'émettre de nouveaux Droits de tirage spéciaux (DTS). En effet, ces DTS ne grèveront pas les ressources des gouvernements donateurs et devraient favoriser une expansion de la demande en période de récession. Le FMI et les gouvernements membres devraient aussi utiliser les réserves d'or du FMI, évaluées au bas mot à quelque 40 milliards de dollars, comme fonds autorenouvelable pour le développement.

26. La majorité des pays en développement peuvent absorber un volume accru de fonds fournis par des institutions multilatérales de financement aux conditions du marché. Celles-ci ont la capacité et les connaissances spécialisées nécessaires pour générer et mobiliser de façon rentable sur les marchés financiers internationaux des fonds à investir dans les pays en développement. Il est possible d'accorder davantage de prêts multilatéraux aux taux du marché. La Conférence demande instamment que ce moyen de financer le développement soit examiné en profondeur, de façon à consolider et élargir les mécanismes existants.

27. Les investissements étrangers directs ont constitué une importante source de financement pour le développement du Sud. Les investissements privés de ce type n'alourdissent pas le fardeau de la dette. Toutefois, seul un petit nombre de pays ont bénéficié du flux des investissements étrangers directs, exclusivement motivés par la perspective de bénéfices. La Conférence prie les pays développés et les institutions multilatérales concernées, par exemple la Banque mondiale, le FMI, la CNUCED et l'ONUDI, d'examiner les moyens de stimuler les investissements étrangers directs et les transferts de technologies dans les pays qui, jusqu'à présent, n'en ont pas véritablement bénéficié. L'accroissement du volume des investissements étrangers en provenance des pays en développement est une tendance encourageante qu'il faut continuer à favoriser. Les projets actuels de coopération technique des institutions multilatérales, qui visent à attirer de nouveaux investissements étrangers directs, n'atteignent peut-être pas leur but et devraient donc être revus en fonction des conditions propres à chacun des pays en développement afin de mieux répondre à leurs besoins.

GESTION MONDIALE

28. La dernière grande tentative d'instauration d'un nouveau système multilatéral mondial remonte aux années 1940, à l'époque où les institutions du système des Nations Unies et de Bretton Woods ont été créées et où une nouvelle Organisation du commerce mondial a été proposée dans la Charte de La Havane. Depuis, des mécanismes et des institutions multilatéraux ont été établis de loin en loin pour traiter, à mesure qu'ils surgissaient, les problèmes qui préoccupaient la communauté internationale. Il existe aujourd'hui une multitude d'institutions multilatérales. Certaines sont efficaces, d'autres moins, et leurs activités se recoupent souvent. Le système multilatéral actuel a besoin d'être amélioré, réformé et rationalisé pour parvenir à une plus grande convergence des efforts. La Conférence appelle les gouvernements du Nord et du Sud, ainsi que les institutions multilatérales, à procéder à un examen exhaustif des pratiques multilatérales actuelles, et à définir les domaines où des réformes et améliorations s'imposent, dans le contexte d'un système économique mondial fondé sur l'interdépendance. Il est urgent de favoriser des méthodes d'analyse des problèmes du développement et des remèdes qui soient originaux, et il faudrait encourager les organisations internationales à prendre à cet égard les initiatives qui s'imposent.

29. La Conférence estime que la réforme et l'amélioration des systèmes et mécanismes multilatéraux devront viser principalement à garantir la justice économique et sociale, l'honnêteté, l'équité et la transparence dans la gestion multilatérale ainsi que l'application des principes démocratiques dans la prise des décisions. Pour être efficaces et transparentes, les institutions multilatérales doivent jouir du pouvoir et de l'autorité requis et être dotées de mécanismes convenus de règlement des différends. Il n'est pas essentiel que les institutions multilatérales soient toujours des institutions des Nations Unies. Le multilatéralisme peut prospérer dans et hors du système des Nations Unies.

30. Compte tenu des principes énoncés plus haut, la Conférence demande instamment aux gouvernements membres de renforcer les institutions économiques du système des Nations Unies, en favorisant une coordination et une intégration accrues de leurs activités de développement. Pour que leur action en faveur du développement soit efficace, les institutions des Nations Unies doivent opérer dans un large cadre de principes admis, sans chercher à résoudre les problèmes difficiles chacune de son côté. La réforme et la coordination des institutions des Nations Unies doivent s'appliquer à l'ensemble du système, y compris les institutions spécialisées qui ne participent pas aux décisions de l'Assemblée générale.

31. Le système des Nations Unies doit se pencher sur la question de la décentralisation en faveur des bureaux régionaux, cela afin de tenir compte des réalités nouvelles du régionalisme économique et politique. La décentralisation permettrait au système des Nations Unies de réagir plus efficacement aux problèmes des pays en développement. Les institutions centrales des Nations Unies devraient associer directement les commissions régionales des Nations Unies à leurs programmes et à l'application de ces derniers. La Conférence engage instamment les institutions du système des Nations Unies et les gouvernements membres à examiner les possibilités d'élargir les pouvoirs et le mandat des commissions régionales des Nations Unies, afin d'éviter le double emploi.

32. La Conférence a fait observer que les parlementaires ont une contribution unique à apporter à la mise en place des institutions et des politiques nécessaires à une plus grande interdépendance mondiale. Ces institutions doivent rendre des comptes et être régies conformément aux principes démocratiques. Les parlements devraient être associés davantage à la gestion de ces institutions. Le nouveau système mondial ne devrait pas être la chasse gardée des nombreuses technocraties qui prolifèrent dans un univers d'une grande complexité technique. Dans ce contexte, les prochaines conférences mondiales - la Conférence internationale sur la population et le développement (Le Caire, 5-13 septembre 1994); le Sommet mondial pour le développement social (Copenhague, 11-12 mars 1995); la IVe Conférence mondiale de la femme (Beijing, 4-15 septembre 1995) - peuvent contribuer de manière notable à l'élaboration de mandats mondiaux. La Conférence engage les responsables politiques nationaux et internationaux à être attentifs aux besoins et aux revendications des peuples du monde lors de la conception des nouveaux systèmes de gestion mondiale.

SUIVI ET INITIATIVES DES PARLEMENTS
ET DE L'UNION INTERPARLEMENTAIRE

33. La Conférence a observé que ses recommandations se divisent en gros en deux parties. La première regroupe les recommandations que les gouvernements des pays en développement et des pays développés sont invités à étudier et à mettre en oeuvre. Elles portent sur les changements à apporter aux politiques intérieures et extérieures des gouvernements, dont l'incidence sur le processus de développement est crucial. Il faudra apporter des changements à la politique de développement des pays donateurs et à leur pratique concernant l'acheminement de l'aide au développement. Il est nécessaire que le volume des ressources consacrées au développement humain augmente. Les pays donateurs devront également libéraliser leur politique commerciale pour que les produits des pays en développement aient accès à leurs marchés. Les pays en développement sont invités à mettre en place un cadre qui favorise et permette l'initiative individuelle ainsi que des systèmes d'incitation économique, lesquels sont tout aussi importants pour le développement.

34. Dans sa deuxième série de recommandations, la Conférence s'est concentrée sur la réforme des régimes et des institutions multilatéraux. Dans un monde de plus en plus marqué par l'interdépendance, le rôle des institutions multilatérales a été considéré comme fondamental pour le processus de développement. Il faut donc réformer les institutions multilatérales, qu'elles fassent ou non partie du système des Nations Unies, de manière à garantir un bon usage des ressources du développement. Dans le domaine du commerce en particulier, de nouveaux accords multilatéraux sont nécessaires à la création d'un climat commercial favorable à tous les pays.

35. Il est apparu essentiel à la Conférence que ses recommandations fassent l'objet d'une action de suivi résolue pour promouvoir leur mise en oeuvre effective et que l'Union poursuive la réflexion et le dialogue fructueux engagés à Ottawa en mettant à profit toutes les occasions propices.

36. Dans cette perspective, la Conférence prie les Groupes nationaux participants et les autres membres de l'Union de prendre sans tarder les mesures suivantes :

(i) faire en sorte que le Document final soit dûment pris en considération par leurs parlements respectifs, et

(ii) diffuser largement ces recommandations dans leur pays, notamment en les communiquant aux médias ainsi qu'aux différents groupes d'intérêts et organisations non gouvernementales concernés.

37. La Conférence demande également au Secrétaire général de transmettre ce Document final aux institutions internationales concernées en les priant de porter une attention particulière à ses conclusions et recommandations.

38. Elle recommande au Conseil interparlementaire de faire sien le Document final lors de sa prochaine session et d'envisager d'autres mesures par lesquelles les Groupes nationaux pourront veiller à ce que les conclusions et recommandations contenues dans le Document final soient prises en compte dans les activités nationales et la politique de leur pays.

39. La Conférence est convaincue que le Comité de soutien au dialogue Nord/Sud continuera de nourrir l'action de l'Union et de ses membres et recommande au Conseil interparlementaire d'engager l'Union dans toutes les voies où elle peut contribuer à la promotion du développement.

40. La Conférence est pleinement consciente de la diversité des composantes du développement et des éléments qui concourent à la réalisation de cet objectif. Elle a relevé quatre événements internationaux d'importance majeure qui auront lieu au cours des deux années à venir et qui apporteront une contribution essentielle au processus global du développement au niveau mondial : la Conférence sur la population et le développement (Le Caire), le Sommet mondial pour le développement social (Copenhague), la Conférence mondiale de la femme (Beijing) et le 50e anniversaire des Nations Unies en 1995.

41. La Conférence se félicite donc des projets envisagés par l'Union pour apporter la contribution de la communauté interparlementaire mondiale à ces entreprises et recommande vivement au Conseil interparlementaire de tout faire pour rendre cet effort plus significatif encore.


Réunions spécialisées | Page d'accueil | Principaux domaines d'activités | Structure et fonctionnement