UNION INTERPARLEMENTAIRE PLACE DU PETIT-SACONNEX 1211 GENEVE 19, SUISSE |
CONFERENCE INTERPARLEMENTAIRE SPECIALISEE
résumant les résultats de la Conférence
2. Ces questions sont celles que l'Union interparlementaire nous avait conviés à débattre et pour lesquelles le Parlement de l'Inde, qui mène aujourd'hui une réflexion à ce sujet, avait souhaité vous recevoir ici, à New Delhi. 3. Tous nos travaux étaient naturellement inspirés par les résultats de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue en septembre 1995 à Beijing, dont notre réunion visait à prolonger la dynamique afin d'assurer la mise en uvre des engagements pris alors par les gouvernements. Dans nos débats, nous avons prolongé et amplifié le contenu de la Déclaration parlementaire de Beijing et du Plan d'action pour remédier aux déséquilibres actuels dans la participation des hommes et des femmes à la vie politique. 4. Pendant quatre jours d'intenses débats, nous avons mis en commun la diversité de nos expériences, nos réflexions, nos doutes et nos suggestions. Pour nourrir nos discussions, l'Union interparlementaire avait mis à notre disposition une étude comparative mondiale et une affiche intitulées " Hommes et femmes en politique : la démocratie inachevée ", qui constituent un outil de réflexion irremplaçable. 5. L'Union interparlementaire et le Parlement indien avaient encouragé la formation de délégations paritaires. Je suis particulièrement fier de noter que sur les 78 délégations parlementaires nationales qui ont pris part à la Conférence, nous avons dénombré 121 hommes et 119 femmes : jamais, à ma connaissance, une réunion internationale n'avait eu ce caractère paritaire, jamais une conférence sur un thème concernant la femme n'avait permis un tel dialogue d'égale à égal, non seulement en droit mais aussi en nombre. En tant que Président d'une assemblée parlementaire, je ne peux en effet que souhaiter que nos Parlements et nos réunions internationales soient, comme cette réunion, de plus en plus semblables à ce que sont nos sociétés, c'est-à-dire paritaires. 6. Je relève également que nous avons eu l'avantage de dialoguer sur cette importante question entre hommes et femmes provenant d'horizons politiques et culturels les plus divers. Cent trente-trois partis politiques de 78 pays étaient en effet représentés à cette Conférence, de même qu'y ont participé neuf parlementaires sans affiliation. 7. La présence et l'active participation des représentantes et représentants de plusieurs organisations non gouvernementales ont fortement enrichi les débats de la Conférence. Le rôle capital qu'elles jouent sur le terrain pour promouvoir l'instauration de la démocratie paritaire a été relevé à maintes reprises; elles doivent donc être encouragées et appuyées dans l'action qu'elles mènent dans des domaines très divers. En particulier, il nous a semblé essentiel qu'elles poursuivent et renforcent leur surveillance du processus politique. 8. La politique étant profondément enracinée dans la société et reflétant les valeurs dominantes, nos débats ont clairement mis en lumière que le développement du partenariat en politique est nécessairement fonction du degré de partenariat comme mode social en général. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'Union interparlementaire affirme que, dans une société démocratique moderne, ce qu'il s'agit de construire n'est rien moins qu'un nouveau contrat de société dans lequel l'homme et la femme oeuvrent en égalité et en complémentarité, en s'enrichissant mutuellement de leurs différences. 9. Pour combler ce déficit, il faut un changement profond des mentalités des hommes comme des femmes. Il s'ensuivrait une modification positive dans les attitudes vis-à-vis des femmes et, partant, un rééquilibrage de la société en général et de la politique en particulier. 10. Il va sans dire que les droits politiques des femmes doivent être considérés dans le cadre de l'intégralité des droits de la personne et ne sauraient en être isolés. Les hommes et les femmes politiques, les gouvernements et les parlements doivent poursuivre leurs efforts dans le sens de la reconnaissance de ces droits et de la mise en oeuvre des instruments internationaux qui s'y rapportent. 11. L'enjeu de fond est la démocratie elle-même. 12. Nous sommes encore loin, semble-t-il, d'un monde dans lequel les organes dirigeants de nos partis politiques - qui jouent un rôle déterminant dans la vie politique -, nos gouvernements et nos parlements seraient un exact miroir de ce que sont nos sociétés quant à la proportion d'hommes et de femmes. Presque tous les participants ont indiqué que la Constitution de leur pays consacrait l'égalité entre hommes et femmes dans toutes les sphères. Toutefois, ils ont affirmé que, en politique, il existait un écart béant entre le droit et la réalité en ce qui concerne le principe d'égalité. 13. De manières diverses, beaucoup d'entre nous ont cependant affirmé que l'intégration des femmes à la vie politique, à tous les niveaux, favorise la démocratisation de la vie politique, et que, à leur tour, les femmes trouvent dans l'espace démocratique des opportunités pour mieux s'intégrer au processus politique. 14. Il a été souligné que, comme indiqué dans une étude de l'ONU, une amélioration significative de la situation se produirait si le nombre de femmes au parlement atteignait un certain seuil. Cette " masse critique " a été évaluée à 30 pour cent et cela est confirmé par l'expérience des pays nordiques. Il nous est apparu que cette " masse critique " et, plus encore, la parité au sein des Parlements ne pourront pas être atteintes tant que les partis politiques ne présenteront pas un nombre suffisant de candidates en les plaçant en position d'éligibilité. 15. Les partis ont été invités à devenir plus ouverts aux femmes et plus réceptifs à leurs demandes. Pour les femmes, il est en effet très difficile de trouver leur place au sein des structures partisanes qui se sont développées et fonctionnent selon des critères essentiellement masculins. 16. Beaucoup se sont montrés favorables à l'instauration de systèmes de quotas pour favoriser l'accès des femmes aux instances dirigeantes des partis au sein desquelles elles sont, en moyenne, à peine plus de 10 pour cent. 17. Les avis sur les quotas sont divergents. Ceux qui sont en faveur de ce mécanisme ont insisté sur la nécessité de quotas à tous les niveaux de prise de décision, des partis au parlement, des administrations au gouvernement. Il est clair pour chacun d'entre nous que le système des quotas est un mal nécessaire qui ne devrait s'appliquer que temporairement pour remédier au déséquilibre spectaculaire qui sépare les hommes des femmes et que ce mécanisme devrait être aboli une fois obtenu l'effet escompté. 18. Un consensus s'est dégagé pour que l'on privilégie les quotas axés sur les candidatures et non sur le nombre de sièges au parlement et pour encourager les partis plutôt que le législateur à les instaurer, même si la loi a pour avantage de les imposer à tous les partis. Il a été estimé que, pour pouvoir limiter le caractère discriminatoire des quotas, qui gêne nombre d'entre nous, ils devaient s'appliquer indifféremment aux deux sexes. 19. Plusieurs délégués ont insisté sur la nécessité d'utiliser d'autres mécanismes comme la réservation d'un certain pourcentage de sièges dans les instances représentatives locales et nationales pour compenser les chances réduites qu'ont les femmes d'y être élues. 20. S'agissant des élections au Parlement, nombre de participants ont souligné que le système de représentation proportionnelle ou un système électoral mixte ouvre aux femmes des chances d'élection bien supérieures à celles qu'elles ont dans le cadre du système majoritaire. Les partis politiques ont toutefois été invités à faire en sorte que les femmes soient inscrites sur les listes électorales en position d'éligibilité - notamment s'agissant de listes bloquées - et présentées dans des circonscriptions où elles ont des chances raisonnables de remporter l'élection. 21. Les partis ont en outre été invités à prendre des dispositions pour faciliter une égale participation des femmes et des hommes à leurs activités, en tenant compte des responsabilités familiales des uns et des autres. Dans ce contexte, nombre d'interventions ont signalé l'importance de la mise en place de garderies et jardins d'enfants ainsi que d'autres mesures permettant de concilier vie politique et vie familiale. La généralisation du congé de paternité a aussi été proposée. 22. Autre question très présente dans les débats, celle de la répartition inégale du travail rémunéré et non rémunéré entre hommes et femmes. Aujourd'hui encore, ce sont les femmes qui s'acquittent de la plupart des tâches non rémunérées, dans le cadre domestique principalement, tandis que les hommes font l'essentiel des travaux rémunérés. En outre, les enquêtes récentes montrent que les femmes travaillent plus longuement que les hommes. Il a été suggéré avec beaucoup de force que cette question soit traitée si l'on veut que des progrès s'accomplissent en matière de représentation des femmes en politique, activité très prenante. Il a donc été proposé que cette question soit placée à l'ordre du jour politique dans chaque pays pour parvenir à un partage équitable des tâches non rémunérées entre hommes et femmes. 23. Tel un leitmotiv, l'éducation des femmes a été mentionnée dans tous les débats, et par la quasitotalité des oratrices et orateurs, comme l'une des conditions pour l'intégration d'un nombre accru de femmes à la vie politique. Cette éducation doit viser autant les hommes que les femmes pour briser les structures mentales patriarcales, et elle doit commencer dès le plus jeune âge. 24. En outre, un long débat a été consacré plus spécialement à la formation politique et électorale. Il va sans dire qu'une telle formation est aussi indispensable aux hommes qu'aux femmes mais il est ressorti du débat qu'une pré-formation est nécessaire aux femmes. La formation devait viser trois aspects :
25. Parmi les autres recommandations importantes faites durant le débat figurent les suivantes :
26. Il a été proposé que soit établi un répertoire des institutions qui, à travers le monde, sont en mesure de dispenser une formation politique pour les femmes. Il a été proposé en outre que des manuels ou modules de formation soient mis en place à l'intention des femmes politiques. A ce propos, il a été souligné que l'emploi de langues locales pour ces manuels, de même que pour les textes de loi nationaux (code électoral, etc.) seraient des instruments fort utiles, en particulier dans les grands pays où il existe de nombreuses communautés ethniques ou linguistiques. Plusieurs délégués ont souligné à quel point l'éducation et la formation étaient importantes si l'on voulait aider les femmes à surmonter le manque de confiance en elles qui explique qu'elles répugnent parfois à entrer dans l'arène politique. Enfin, on a souligné qu'il fallait dispenser une formation spécialisée aux militants des partis politiques. 27. S'agissant de la phase des candidatures, nous avons accordé beaucoup d'attention à la question du financement des campagnes électorales des femmes. 28. De nombreuses voix se sont élevées pour condamner le coût exorbitant des campagnes électorales et préconiser des réductions. Pareilles réductions égaliseraient les chances pour les candidates, sous réserve qu'elles soient rigoureusement appliquées et que soient instituées des instances de contrôle. On pourrait raccourcir la durée des campagnes électorales ou plafonner les dépenses électorales. Certains intervenants ont défendu l'idée de tarifs préférentiels pour les temps d'antenne dans les médias achetés durant les campagnes. 29. L'idée que les femmes avaient tout à gagner d'un système plus propre et transparent de financement tant du processus de sélection des candidates que des campagnes électorales a aussi été émise. Il a été recommandé en outre à tous les pays d'adopter, s'ils ne l'ont pas déjà fait, une législation réglementant le financement des campagnes électorales, quelle qu'en soit la source (fonds publics, entreprises, fondations et particuliers). 30. La pénurie généralisée des fonds allant aux campagnes féminines a donné lieu à plusieurs recommandations intéressantes :
31. Il a été dit et répété qu'en politique l'engagement, la présence sur le terrain et la conviction peuvent compenser l'insuffisance des ressources, y compris financières, et qu'une bonne couverture médiatique fait tout autant pour remporter une élection qu'une importante somme d'argent. 32. Aujourd'hui, les médias jouent aussi un rôle très important en politique. Aucun politique, qu'il soit homme ou femme, ne peut ni les ignorer ni les négliger. C'est la raison pour laquelle nous avons débattu de l'image de la femme politique dans les médias. Comme l'a dit la modératrice du passionnant débat à ce sujet conduit entre représentants des médias et personnalités politiques - Mme Dahl, Présidente du Parlement suédois - les thèmes classiques de la relation amour-haine entre les médias et la classe politique et de l'incompréhension mutuelle quant aux priorités et préoccupations des uns et des autres ont ponctué notre débat. Le sentiment dominant est qu'un effort en sens inverse doit être fait de part et d'autre. 33. L'accent a été mis sur la nécessité, notamment, de former les femmes aux médias à la fois pour mieux en comprendre le fonctionnement et les priorités et pour apprendre à faire passer leur message. Les médias ont en effet tendance à se focaliser sur les personnes qui s'identifient à une cause, sans se soucier de leur sexe. D'un autre côté, les médias ont été invités à s'interroger sur le regard qu'ils portent sur la femme en général et sur la femme politique en particulier, et à adopter une nouvelle optique. S'ils ont conscience que l'intégration des femmes à la politique renforce la démocratie, les médias, qui ont un rôle crucial et de plus en plus important à jouer dans le processus démocratique, devraient s'efforcer de faire passer ce message de toutes les manières possibles. 34. Notre principale conclusion est qu'il faut provoquer un changement radical des mentalités pour que l'image des femmes politiques relayée par les médias ne soit pas limitée à leur seule identité féminine mais soit l'image de véritables acteurs de la vie politique. 35. A cet effet, certaines suggestions concrètes ont été avancées :
36. Plusieurs délégués ont souligné l'importance de la création de réseaux de femmes politiques, tant nationaux que régionaux, ainsi que l'intérêt des initiatives que certaines femmes politiques expérimentées, agissant comme de véritables mentors, peuvent prendre pour encourager d'autres femmes à entrer dans l'arène politique. 37. Il a été suggéré que ces initiatives pourraient être facilitées par des commissions nationales pour les femmes qui pourraient être créées partout où elles font défaut. On a estimé qu'un mouvement particulièrement fort pourrait être créé si les femmes parlementaires conjuguaient leurs efforts pour que les politiques dans tous les domaines soient élaborées en prenant en compte la vision des femmes. L'importance des réseaux dans la formation des nouvelles élues au parlement a été soulignée à nouveau. On a estimé que la dynamique instaurée à la Conférence de Beijing et qu'a relancée la Conférence ici à New Delhi pourrait se prolonger par la tenue de réunions régionales de parlementaires portant sur divers aspects précis de la question. 38. Il a été recommandé que dans chaque Etat soit mise en place une instance multidisciplinaire consultative qui pourrait exercer une fonction de contrôle pour s'assurer que les intérêts et besoins des femmes soient pris en compte dans tous les domaines. 39. S'agissant des mesures que peuvent prendre les parlements, il a été proposé que les parlements créent des commissions spéciales chargées de suivre les textes de portée nationale, internationale et régionale en matière de droits des femmes, ou encore commissions de la condition féminine. Les parlements devraient veiller à ce que soient adoptées des lois concernant l'exercice des droits des femmes. Ils devraient en outre se concerter avec les gouvernements de leurs pays pour élaborer des stratégies en vue de la réalisation d'un partenariat entre hommes et femmes. Enfin, les parlementaires devraient accorder leur soutien aux ONG de femmes. 40. Le succès de la présente Conférence nous a en outre incités à recommander à l'Union interparlementaire de tout mettre en oeuvre pour assurer la diffusion de ses résultats ainsi que leur suivi et de redoubler d'effort pour promouvoir l'intégration des femmes dans la vie politique. 41. L'un des aspects de cette intégration concerne la participation de femmes aux travaux de toutes les instances internationales en nombre équilibré par rapport aux hommes. S'agissant plus spécialement de l'Union interparlementaire, les parlements membres ont été instamment priés de respecter strictement les dispositions de l'article 11.1 des Statuts de l'Organisation relatives à la présence de femmes au sein des délégations. 42. Un renforcement de la coopération avec la Division de la condition de la femme de l'ONU a été souhaité, donnant ainsi une suite concrète à l'accord de coopération signé récemment entre l'Union interparlementaire et l'Organisation des Nations Unies. 43. L'idée de tenir des réunions régionales sur le modèle de la Conférence de New Delhi, en coopération avec les institutions régionales concernées a aussi été avancée et l'Union interparlementaire a été encouragée à continuer de conduire des recherches et des études comparatives mondiales telles que celle présentée à la Conférence. Il a été proposé que pareilles initiatives soient menées éventuellement avec le concours de l'UNESCO, sur des questions telles que la femme politique et les médias. 44. En conclusion, je voudrais relever que le déséquilibre entre hommes et femmes en politique est patent, qu'un consensus des hommes et des femmes s'est clairement manifesté ici sur l'urgence de remédier à cette situation et que des solutions concrètes ont été définies. Il reste maintenant à mobiliser une volonté politique soutenue pour passer du discours à l'action. C'est notre responsabilité commune et, en votre nom à tous, je voudrais affirmer ici notre engagement à assumer pleinement cette responsabilité. Il en va de la démocratie et du développement de nos pays.
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