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Première réunion thématique, préparatoire de la
IIIe Conférence interparlementaire sur la
sécurité et la coopération en Méditerranée

Organisée par l'Union interparlementaire
à Monte Carlo (Monaco), les 3 et 4 juillet 1997


AJUSTEMENT DES POLITIQUES NATIONALES DE L'EMPLOI ET RENFORCEMENT DE LA COOPERATION INTERNATIONALE EN LA MATIERE EN MEDITERRANEE, DANS LA PERSPECTIVE D'UN DEVELOPPEMENT CREATEUR D'EMPLOIS EN TANT QUE MOYEN DE RENFORCER LA STABILITE REGIONALE


RAPPORT GENERAL
présenté par M. Mohamed Hédi Khelil (Tunisie), Rapporteur général


Je voudrais, tout d'abord, exprimer en notre nom à tous nos chaleureux remerciements au Conseil national monégasque qui nous a si généreusement accueillis ici, à Monte Carlo, les 3 et 4 juillet, et dire à M. Alain Michel, Président du Groupe national monégasque et de la Réunion, notre gratitude pour la manière affable et sereine avec laquelle il a conduit nos débats.

Notre réunion constituait le premier volet de la préparation de fond de la IIIe CSCM que mon Parlement, et moi-même en tant que Rapporteur général de la CSCM, serons très heureux d'accueillir à Tunis début 1999.

La Réunion avait été précédée d'une session du Comité de coordination de la CSCM1, tenue sous ma présidence avec la contribution de sept membres sur les neuf qui composent cet organe, les représentants de la Slovénie et de la République arabe syrienne s'étant excusés.

Après une brève séance inaugurale au cours de laquelle le Président du Conseil national monégasque, M. Jean-Louis Campora, et le Secrétaire général de l'Union interparlementaire, M. Pierre Cornillon, ont pris la parole, nous avons entamé nos travaux. Des représentants de 17 participants principaux, de 7 participants associés et des observateurs de 3 Parlements - soit au total, 46 parlementaires de 22 pays2 - ont pris part aux débats.

Le thème qui nous a occupés pendant ces deux jours est un thème crucial pour chacun de nos pays puisqu'il s'agit de " L'ajustement des politiques nationales de l'emploi et renforcement de la coopération internationale en la matière en Méditerranée, dans la perspective d'un développement créateur d'emplois en tant que moyen de renforcer la stabilité régionale ".

Ce thème entre dans le cadre de la 2e Corbeille de la CSCM mais, comme l'ont montré nos débats, par bien des aspects il déborde largement sur la 3e Corbeille.

Ces débats avaient été brillamment lancés par trois personnalités auxquelles, en votre nom à tous, je tiens à manifester notre reconnaissance. Il s'agit de M. Werner Sengenberger, Directeur du Département de l'emploi et de la formation du Bureau international du travail, du député européen Jorge Hernandez, membre de la Commission des affaires sociales et de l'emploi et Vice-Président de la Délégation Maghreb du Parlement européen, et enfin du Professeur Bichara Khader, Directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe contemporain de l'Université catholique de Louvain, auteur de nombreux ouvrages sur le partenariat euro-méditerranéen. Leurs contributions écrites ont non seulement enrichi nos débats mais elles nourriront sans doute la poursuite de notre réflexion au sein de nos Parlements.

Il me revient maintenant de faire une synthèse des principales propositions formulées au cours de deux jours de débats intenses auxquels chacun d'entre nous a pris part. D'emblée je réclame votre indulgence vu la richesse et la variété des idées et suggestions émises.

Dans son allocution d'ouverture, le Président du Conseil national disait que " L'emploi est la hantise de ceux qui l'ont perdu, de ceux qui ont peur de le perdre et de ceux qui craignent de ne jamais le trouver ". Ce raccourci saisissant traduit bien le climat de nos travaux. Nos débats ont clairement fait ressortir à quel point l'emploi est un élément essentiel de la stabilité dans notre région. C'est en effet le chômage, si obsessionellement présent de part et d'autre de la Méditerranée, qui est au coeur de nos préoccupations avec tous les problèmes qui en découlent.

Le problème de l'emploi concerne les deux rives de la Méditerranée quoiqu'il présente des caractéristiques différentes de part et d'autre de celle-ci, et souvent même d'un pays à l'autre, voire à l'intérieur d'un même pays. Cette diversité même montre qu'il n'y a pas au problème de l'emploi une solution applicable sur tout le pourtour méditerranéen.

Au cours de la session, il a été aussi mentionné combien les sanctions collectives portent atteinte à l'emploi et pénalisent les peuples.

Si l'emploi est un défi important dans les pays industrialisés d'Europe, confrontés à des taux importants de chômage, il est aujourd'hui la priorité des priorités dans les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (PSEM). En effet, tout semble indiquer que l'offre du travail dans tous les pays arabes ainsi qu'en Turquie est loin de répondre à l'augmentation prévisible de la main d'oeuvre en quête de travail. Rien que pour absorber les jeunes qui entrent sur le marché de travail, les 12 PSEM impliqués dans le partenariat euro-méditerranéen devraient créer annuellement plus de 2,5 millions d'emplois; ils n'en créent pas plus du tiers actuellement. Aujourd'hui sur 250 millions d'arabes, 130 millions ont moins de 20 ans; ils entreront dans les 20 années à venir sur le marché de l'emploi. Si celui-ci ne peut pas les absorber, on imagine sans peine les frustrations et sans doute la contestation sociale ainsi que la pression migratoire qui en résulteront. Déjà, dans certains pays, le taux de chômage des jeunes, notamment ceux qui sont diplômés, atteint des niveaux alarmants.

Dans ce sombre tableau, il y a une consolation majeure. Partout, bien qu'à des degrés divers, la transition démographique se poursuit. Toutefois, cette baisse de la fécondité ne se fera sentir qu'à long terme sur les nouvelles entrées potentielles sur le marché du travail dans les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée.

Les rapports des experts comme nos débats ont mis en évidence que tant l'éducation que l'entrée des femmes sur le marché du travail figurent parmi les facteurs majeurs de la diminution du taux de fécondité.

Il nous faut prendre la mesure du défi et viser dans un premier temps des taux de croissance supérieurs à 8% sur une longue période. Mais cela serait un pari impossible sans la modernisation de l'appareil de production, le développement d'une offre compétitive, le captage d'importants investissements étrangers et locaux, privés et publics, la promotion de l'intégration régionale en même temps que la mise en place de la zone de libre-échange proposée dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, le développement de la production de biens à forte densité de main d'oeuvre, la promotion du secteur des services productifs, et la recherche des effets de symbiose entre les secteurs économiques.

Cela requiert la mobilisation des énergies et des moyens ainsi qu'une philosophie nouvelle en termes d'organisation du travail tout en veillant à préserver les acquis sociaux, et à protéger les plus démunis.

L'importance du renforcement de la qualification de la main d'oeuvre et du recyclage des cadres a été mis en exergue ainsi que celle de projets pilotes pour la création de micro-entreprises et la promotion du micro-crédit pour inciter, surtout les femmes et les jeunes à se lancer dans l'aventure commerciale ou industrielle. Il a été rappelé comment les changements technologiques constituent certes un défi mais aussi une chance à condition de les maîtriser, de s'y adapter par une formation adéquate.

Dans ce contexte, il a été rappelé qu'il peut être fait appel à l'assistance des équipes multidisciplinaires du Bureau international du travail à même d'assister les Etats à définir des politiques de l'emploi et des politiques sociales cohérentes avec les recommandations du Sommet du Développement Social de Copenhague.

Enfin, il a été souligné que la question de l'emploi ne peut se résoudre à la seule échelle des Etats. Elle requiert des synergies intra-régionales, et une coopération internationale, à l'échelle de tout l'espace méditerranéen. Un exemple signalé est celui de l'expérience que peuvent partager - sans pour autant exporter des modèles - certains pays dans lesquels des communautés de petites et moyennes entreprises ont été mises sur pied avec succès. C'est ainsi qu'a été soulignée la nécessité de renforcer la coopération Sud-Sud et d'encourager les initiatives récentes en vue de la création d'une zone de libre échange à l'échelle de l'espace arabe.

Il a été relevé que, pour être créateur d'emploi, le projet euro-méditerranéen doit :

  • être accompagner de mesures visant une réelle convergence économique entre les deux rives de la Méditerranée : cela exige la diminution des écarts salariaux, le lancement d'un " Plan Marshall " financier, et la réduction du poids de la dette qui serait partiellement convertie en participation industrielle, en protection de l'environnement et en promotion et qualification des ressources humaines.
  • favoriser un apport substantiel de capitaux extérieurs en partant de l'idée que l'argent européen investi en Méditerranée et dans les pays arabes crée prospérité, profit et sécurité pour l'ensemble de la Méditerranée. Des mesures d'accompagnement de ces investissements - notamment des transferts de technologies, de qualification de la main d'oeuvre et de mise à niveau des entreprises - doivent être prises pour que les pays bénéficiaires en tirent pleinement profit.
  • Aider les Etats méditerranéens à rendre attractif l'espace économique méditerranéen par une politique d'accompagnement concernant à la fois la formation de la main d'oeuvre, le renforcement des infrastructures institutionnelles, administratives, de communication et de transport,
  • Co-gérer de manière réaliste la question des migrations de manière à éviter le développement incontrôlé des flux irréguliers, étant bien entendu que si les richesses ne vont pas là où sont les hommes, les hommes iront là où sont les richesses. En outre, il a été proposé d'établir une Charte Euro-Méditerranéenne pour définir et protéger les droits des travailleurs migrants.

Le problème de l'emploi est un défi à nos Etats et à nos sociétés sur les deux rives de la Méditerranée. Nous sommes résolus à le relever. Il nous appartient maintenant de poursuivre la réflexion au sein de nos Parlements afin de venir à la Conférence de Tunis avec des propositions consolidées. La stabilité durable en Méditerranée dépendra en effet des réponses concrètes que nous apporterons à ce défi auquel nous sommes confrontés. Pour être applicables et efficaces ces solutions devront être concertées et compatibles.


1 Ont pris part à la session du Comité de coordination de la CSCM : M. M.H. Khelil (Tunisie), Président et Rapporteur, M. M.A. Abdellah (Egypte), M. M.A. Martinez (Espagne), M. J. Baumel (France), M. A. Martino (Italie), Mme M. Spiteri Debono (Malte), M. A. Radi (Maroc) et ex officio, en tant qu'hôte de la session, M. A. Michel (Monaco).

2 Ont pris part à la session les représentants des parlements nationaux et organisations suivants :

Participants principaux : Bosnie-Herzégovine, Chypre, Egypte, Espagne, France, Grèce, Israël, Italie, Jamahiriya arabe libyenne, Jordanie, Malte, Maroc, Monaco, Portugal, Tunisie, Turquie, Yugoslavie.

Participants associés : i) Royaume-Uni; ii) Palestine; iii) Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Assemblée parlementaire de la OSCE, Parlement européen, Union interparlementaire arabe.

Observateurs : Géorgie, Roumanie, Suisse.


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