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SEMINAIRE REGIONAL POUR LES PARLEMENTS ARABES
Le Parlement et le processus budgétaire,
notamment dans une perspective d'équité entre hommes et femmes

Beyrouth (Liban), 22-24 juin 2004

RAPPORT GENERAL
Rapporteur : M. Adnan Daher,
Secrétaire général de l’Assemblée nationale du Liban

Le Séminaire régional à l’intention des parlements arabes sur le thème "le Parlement et le processus budgétaire, notamment dans une perspective d’équité entre hommes et femmes" s’est tenu à Beyrouth du 22 au 24 juin 2004. Il était organisé conjointement par l’Assemblée nationale du Liban, l’Union interparlementaire arabe le programme des Nations Unies pour le développement et l’Union interparlementaire.

Cette réunion a offert à des parlementaires et des administrateurs parlementaires de 17 pays arabes1 la possibilité d’échanger des vues, de comparer leurs expériences et d’approfondir leur compréhension du processus budgétaire et des instruments dont ils disposent pour apporter une contribution efficace en la matière. On y a privilégié la nécessité de veiller à ce que les budgets tiennent compte de la notion de genre c’est-à-dire de l’équité entre hommes et femmes. A cet égard, le séminaire a réfléchi sur les moyens de prendre en compte la situation et les intérêts propres aux hommes et aux femmes dans la société.

Le Séminaire a été ouvert par M. Nabih Berri, Président de l’Assemblée nationale du Liban, en présence du Ministre des Finances du Liban, M. Fouad Sanioura.

Le séminaire a bénéficié des contributions des experts suivants :

  • M. Marini, Rapporteur Général de la Commission des Finances du Sénat français
  • M. Viseur, parlementaire, Belgique,
  • Mme Byanyima, parlementaire, Ouganda
  • M. Daher, Secrétaire général de l’Assemblée nationale du Liban
  • M. Bennouna, expert, Maroc
  • M. Delamare Deboutteville, Directeur-adjoint de la Division des relations internationales du Sénat français
  • M. Stapenhurst, expert en gestion publique, Institut de la Banque Mondiale
Les débats ont eu lieu dans le cadre de séances plénières communes et de séances parallèles pour parlementaires et administrateurs parlementaires. Le présent rapport met en relief certains des grands axes qui se sont dégagés des débats, complétant les informations contenues dans le Guide à l’attention des parlementaires sur le "Parlement, le budget et le genre", produit par l’Union interparlementaire, le PNUD, l’UNIFEM et l’Institut de la Banque mondiale.

Le budget national est la déclaration de politique générale la plus importante qu’un gouvernement puisse faire. Il est le schéma directeur de la politique sociale et économique d’un pays.

Il fixe le cap que devront suivre les politiques nationales et définit la cadre d’action et les incidences financières des programmes et projets publics durant l’exercice budgétaire, et il recense les ressources requises pour les mettre en œuvre.

Le budget national est ainsi l’indicateur fondamental de ce que le Gouvernement fait et des objectifs qu’il s’est fixés.

Les participants ont relevé le fait que le budget ne constitue pas un évènement mais plutôt un processus qui se déroule sur plusieurs étapes et sur une période plus ou moins longue. Ces étapes comprennent : la planification, l’élaboration, l’examen et l’approbation par le Parlement, l’exécution, la présentation des rapports et le contrôle de l’exécution y compris l’audit. Par ailleurs, les participants ont passé en revue les grands principes que doit respecter tout budget, notamment : unicité, annualité, spécialisation, unité de caisse, etc.

Il est généralement reconnu que le budget n’est plus simplement une présentation des chiffres relatifs aux recettes et dépenses mais constitue un véritable outil de planification au service du développement.

Les participants ont noté avec intérêt les réformes qui sont en cours dans plusieurs pays, notamment la France et le Maroc, tendant à passer à un budget basé sur la performance, c’est-à-dire sur la réalisation des résultats plutôt que des activités. Ainsi, le budget est évalué par rapport aux résultats qu’il permet d’atteindre, par rapport aux objectifs de développement, plutôt que sur la base des activités réalisées.

Le budget doit donc être fondé sur une logique d’affectation des ressources effectives. La planification stratégique incite à questionner réellement les objectifs que l’on veut atteindre. Pour être efficace le budget doit faire partie d’une planification stratégique portant sur une période plus ou moins longue.

Le rôle du Parlement

Le Parlement exerce une triple mission dans le processus budgétaire :

  1. Il participe à la détermination de la politique
  2. Il contrôle l’action du Gouvernement
  3. Il assure une bonne gouvernance et limite la corruption
Dans l’ensemble, le Parlement contribue à la transparence et à la responsabilité dans la gestion du patrimoine de l’Etat permettant ainsi de réduire le gaspillage des ressources.

Pour accomplir efficacement des missions, le Parlement doit bénéficier d’un certain nombre de conditions :

  • L’autonomie du Parlement :
    Celle-ci repose sur la possibilité de s’exprimer librement dans l’enceinte du Parlement, et sur un budget des dotations qui permette aux parlementaires de jouir d’une indépendance financière suffisante pour ne pas dépendre en permanence de l’Exécutif.

  • Des informations complètes :
    Les documents budgétaires transmis par le Gouvernement doivent être complets, détaillés et précis. Les données macroéconomiques qui les accompagnent émanent de sources gouvernementales mais aussi internationales et indépendantes de l’Exécutif. Les ONG et les milieux universitaires constituent d’autres sources importantes d’information et d’analyse que les parlements peuvent mettre à contribution.

  • Des fonctionnaires parlementaires compétents et efficaces :
    La fonction publique parlementaire doit être stable, de bon niveau, ne pas dépendre de l’Exécutif et capable d’assister techniquement les parlementaires dans leurs missions, notamment budgétaire.

  • Capacité d’amendement du budget :
    Si le Parlement exerce pleinement sa mission budgétaire, il dispose du droit de modifier le budget par voie d’amendement.

  • Publicité des travaux :
    La meilleure garantie d’un travail optimal du Parlement en matière budgétaire est la publicité qui entoure les travaux de celui-ci. La presse a un rôle majeur à jouer dans le retentissement du débat budgétaire, sa vulgarisation, son explication et sa transformation en débat politique essentiel accessible au plus grand nombre.
Les participants ont noté avec intérêt le fait que dans plusieurs pays, il existe une concertation permanente ente le Gouvernement et le Parlement à toutes les étapes du processus budgétaire. En Suède et en France, le Parlement a ainsi la possibilité de débattre et de se prononcer sur les intentions politiques du Gouvernement et leur traduction en rubriques budgétaires. Le Parlement suédois est appelé à voter une loi de dotation budgétaire, à savoir une loi fixant le montant du budget avant que ce budget ne soit élaboré et soumis au Parlement par le Gouvernement.

En France, la loi organique (LOLF 2001) renforce les prérogatives du Parlement en lui offrant la possibilité de modifier la définition d’un programme, et de changer l’affectation des dépenses entre les programmes, capacité d’enquête et de vérification au stade de l’exécution. L’objectif est de permettre l’examen des budgets à partir des finalités de l’action publique, classées en missions, programmes et actions ; et de favoriser ainsi la réforme de l’Etat et l’allégement de ses structures, grâce à un exercice plus efficace du contrôle parlementaire.

Dans les systèmes bicaméraux, la seconde Chambre (Chambre haute) joue généralement un rôle important dans le processus budgétaire conjointement avec la Chambre basse. Elle constitue un forum supplémentaire d’examen et de débat du projet de loi de finances. En règle générale, lorsque la responsabilité du budget est commune aux deux Chambres, la primauté est donnée à la Chambre basse.

Le rôle de la société civile
L’ouverture à la société civile et la contribution de celle-ci au processus budgétaire renforce l’efficacité et la transparence. La société civile peut aider le Parlement à traduire les préoccupations de certains secteurs de la société en politiques efficaces, y compris en matière budgétaire. C’est aussi un pool d’expertise dans lequel le Parlement peut puiser. Les organisations de la société civile peuvent, par exemple, être des sources indépendantes d’informations utiles et d’analyses pouvant éclairer le processus budgétaire. Il est donc intéressant de l’associer par le biais de consultations, d’auditions publiques.

Dette publique et emprunts
Il a été noté que l’emprunt est souvent une ressource budgétaire importante. Il permet de mobiliser les ressources complémentaires indispensables au développement socio-économique d’un pays mais il faut veiller à ce que la proportion des emprunts dans le budget soit raisonnable et ne compromette pas tout développement futur. Il appartient à chaque pays de déterminer un niveau acceptable d’endettement. Plusieurs participants se sont préoccupés du volume de la dette publique par rapport au PIB d’un pays et ont souligné le besoin de planification pour réduire le fardeau de la dette. Il a été proposé d’attirer l’attention des pays développés sur cette question.

Il a été relevé l’important rôle que le Parlement doit jouer dans la gestion de la dette publique. En la matière, on estime généralement que le Parlement devrait être habilité à approuver les emprunts avant leur lancement afin d’en assurer la légitimité. En conséquence, le Parlement devrait recevoir des informations détaillées sur le volume des emprunts ; leur finalité ; leur impact sur les bénéficiaires directs, hommes et femmes, et la société dans son ensemble ; les contraintes éventuelles ; les conditionnalités imposées par les établissements prêteurs.

Les parlementaires devraient également s’assurer que les investissements auxquels procède le Gouvernement à la faveur de ces emprunts portent sur des secteurs productifs.

Contrôle parlementaire
Les participants ont relevé les moyens classiques de contrôle direct : questions, interpellations, auditions et commissions d’enquête.

Le contrôle indirect s’exerce par le biais d’audits et de rapports d’analyse ainsi que par l’examen des pétitions et demandes de la société civile. Ces contrôles doivent s’exercer tout au long de l’année. En ce qui concerne les mécanismes internes de contrôle, il a été noté que ce contrôle s’exerce essentiellement à travers différentes commissions. A ce sujet, il a été souligné que, dans plusieurs parlements inspirés du système de Westminster, les commissions de comptabilité publique (Public Accounts Committees) sont généralement présidées par un membre de l’opposition.

Par ailleurs, les participants ont pris note du fonctionnement des différentes institutions qui sont établies pour concourir au contrôle de l’exécution du budget. Qu’il s’agisse de l’Auditor Général (dans le système anglo-saxon) ou de la Cour des comptes, ces institutions doivent jouir d’une indépendance leur permettant de fonctionner sans contrainte de la part du Gouvernement.

La problématique du contrôle obéit à trois grands principes : efficacité, efficience et économie pour renforcer la transparence.

Perspective genre
Les mots "sexe" et "genre" ne sont pas synonymes. Le mot "sexe" renvoie à des différences biologiques alors que "genre" se réfère aux relations entre femmes et hommes, aux différences sociales entre les femmes et les hommes, qui sont acquises, qui sont susceptibles de changer avec le temps et qui sont largement variables tant d’un pays à l’autre que parmi les différentes cultures à l’intérieur d’un pays.

L’analyse de genre est un outil de planification au service de tous, femmes et hommes. Un budget sensible au genre est un outil d’analyse économique et d’efficacité économique. Il ne s’agit nullement de remettre en cause la culture, les traditions d’un pays. Il s’agit plutôt de tenir compte de la contribution spécifique des hommes et des femmes, de leurs besoins différents dans la programmation budgétaire. Il est alors question de tirer le maximum de la complémentarité des hommes et des femmes.

Femmes et hommes jouent un rôle important dans l’économie bien qu’ils se positionnent différemment dans l’activité économique et qu’ils soient rémunérés différemment. Lorsque l’on analyse la situation des hommes et des femmes dans l’activité économique, on distingue trois grands secteurs :

  • Economie structurée : activités privées et publiques rémunérées. Le travail rémunéré est généralement dominé par les hommes ;
  • Economie non structurée : activités à petite échelle fondées sur un travail la plupart du temps non rémunéré effectué par des femmes et des hommes ;
  • Economie des soins : elle se concentre dans les ménages. Il s’agit d’activités visant à reproduire et entretenir la main d’œuvre, à s’occuper de la collectivité, de la famille (cuisine, taches ménagères, lessives, s’occuper des enfants, des malades, des personnes âgées). Il s’agit le plus souvent d’un travail non rémunéré effectué par des femmes. Toutes les autres activités dépendent de cette économie de soins.
L’économie des soins n’est souvent pas comptabilisée ni prise en compte dans l’analyse budgétaire. Cet état de fait nuit à l’efficacité des politiques économiques et budgétaires.

Qu’est-ce qu’un budget qui prenne en compte le genre ?

  • Ce n’est pas un budget séparé pour les femmes;
  • C’est un budget qui encourage une utilisation plus efficace des ressources pour réaliser l’équité entre les hommes et les femmes et le développement humain;
  • C’est un budget qui privilégie plutôt une redéfinition des priorités qu’une augmentation des dépenses du Gouvernement. Il s’agit donc plutôt de faire en sorte que les ressources disponibles soient utilisées de manière à améliorer, de façon égalitaire, la qualité de vie des hommes et des femmes. En effet, il a été relevé que le budget sensible au genre permet à un pays de tirer profit de toutes ses ressources humaines (hommes et femmes) afin de pouvoir rester compétitif dans un monde de plus en plus caractérisé par la globalisation.
Pourquoi un budget qui prenne en compte le genre ?
  • C’est une question d’efficience économique :
    Les budgets sensibles à l’équité entre hommes et femmes accroissent l’efficacité économique et contribuent au bien-être social. Ils constituent un moyen fiable permettant d’atteindre les objectifs de bonne gestion publique. Méconnaître les rôles propres aux femmes dans l’économie et dans la société, ainsi que leurs besoins propres, compromet l’efficacité de certaines politiques publiques. Les inégalités entre les sexes peuvent être coûteuses, non seulement pour les femmes mais aussi pour les hommes, les enfants et la société en général. Ce coût peut se traduire par une efficacité économique moindre, une productivité moins élevée, un moindre développement des compétences des individus et un bien-être social inférieur.

  • C’est une question de droits
    Par ailleurs, les budgets sensibles à l’équité entre hommes et femmes aident les gouvernements à honorer leurs engagements d’assurer l’égalité, telle qu’elle est énoncée dans le Programme d’action de Beijing, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et les Objectifs de développement pour le millénaire.
Comment développer un budget sensible au genre ?

Tout budget sensible au genre doit être fondé sur une analyse en trois étapes pour chacun des secteurs économiques : situation, politiques, allocations budgétaires. Il convient également d’évaluer l’impact qu’ont les dépenses budgétaires sur les hommes et les femmes pris séparément.

Pour contribuer à l’équité entre hommes et femmes dans le cadre du budget, le Parlement peut exiger des ministères un dossier sur l’impact des mesures proposées sur les hommes et les femmes. Il peut s’appuyer sur les résultats des études commandées par lui pour poser des questions au Gouvernement ou l’interpeller. Les commissions parlementaires de contrôle peuvent élaborer une liste de questions liées au genre dans les différents secteurs.

Suivi du séminaire

Des séminaires de ce type devraient être organisés, à l’intention des parlementaires et du personnel parlementaire, aux niveaux national et régional, dans les pays arabes. Ces séminaires devraient tirer partie de l’expérience des pays arabes dans les sujets concernés.

Quant aux participants, il est décisif qu’ils partagent les acquis u séminaire avec l’ensemble de leurs collègues au sein du Parlement national.


1. Les pays représentés au séminaire sont les suivants : Algérie, Arabie Saoudite, Bahreïn, Djibouti, Egypte, Emirats arabes unis, Jordanie, Koweït, Liban, Maroc, Oman, Palestine, Qatar, République arabe syrienne, Soudan, Tunisie, Yémen.


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