|
GUINEE
CAS N° GUI/04 - ALPHA CONDE
CAS N° GUI/05 - EL-HADJ AMIATA MADY KABA
CAS N° GUI/06 - KOUMBAFING KEÏTA
CAS N° GUI/07 - MAMADY YÖ KOUYATE
CAS N° GUI/08 - IBRAHIMA KALIL KEÏTA
Résolution adoptée sans vote par le Conseil
interparlementaire à sa 164ème session
(Bruxelles, 16 avril 1999)
Le Conseil interparlementaire,
saisi du cas des parlementaires susmentionnés, MM.
Alpha Condé, ElHadj Amiata Mady Kaba, Mamady Yö
Kouyate, Ibrahima Kalil Keïta et Mme Koumbafing Keïta,
membres de l'Assemblée nationale de Guinée, qui
a fait l'objet d'un examen et d'un rapport du Comité des
droits de l'homme des parlementaires conformément à
la " Procédure d'examen et de traitement par
l'Union interparlementaire des communications concernant les violations
des droits de l'homme de parlementaires ",
prenant note du rapport du Comité des droits de
l'homme des parlementaires (CL/164/13b) R.1) qui contient
un exposé détaillé de ce cas,
prenant note également des informations fournies
par la délégation de la République de Guinée,
représentant à la fois le parti majoritaire et des
membres de l'opposition, lors des deux auditions organisées
par le Comité à l'occasion de la 101ème Conférence
interparlementaire à Bruxelles,
considérant que M. Condé, Président
du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), membre de l'Assemblée
nationale et candidat à l'élection présidentielle
de décembre 1998, a été arrêté
le 15 décembre 1998 avant l'annonce des résultats
provisoires et inculpé en janvier 1999 de " tentative
de franchissement des frontières, d'exportation frauduleuse
de devises étrangères, de tentative de recrutement
de mercenaires et d'atteinte à la sûreté de
l'Etat ",
considérant que, selon les membres de la délégation
de Guinée appartenant au parti majoritaire, M. Condé
a été longtemps absent du pays et n'est rentré
que peu avant les élections; qu'une équipe de télévision
envoyée couvrir la campagne électorale des cinq
candidats aux élections, voulant obtenir une brève
déclaration de chacun d'eux le jour du scrutin, est allée
chez M. Condé mais, remarquant qu'il était absent,
s'est demandée où il pouvait être le jour
du scrutin; que, selon leur déclaration, l'arrestation
de M. Condé a eu lieu dans les circonstances suivantes
:
- Une voiture avait attiré l'attention du chef d'un village
proche de la frontière ivoirienne. Celui-ci a signalé
la présence de la voiture à l'armée mais,
lorsque celle-ci est arrivée, la voiture avait déjà
quitté le village. Les soldats se sont alors dirigés
vers la frontière où ils ont trouvé M. Condé
tranquillement assis. Lorsqu'il a vu arriver les soldats, il a
repris la route du village et, après une course poursuite,
il a été arrêté par les soldats mais
non sans opposer de la résistance puisqu'il aurait même,
semble-t-il, mordu l'un d'eux. Il a été emmené
à la sous-préfecture où les agents, lorsqu'ils
ont compris à qui ils avaient affaire, ont décidé
de l'envoyer immédiatement à Conakry. M. Condé
était en fait déguisé et portait des jeans,
un boubou court et des sandales.
considérant que, selon les mêmes membres de
la délégation, il avait violé plusieurs dispositions,
en particulier un décret interdisant toute circulation
entre les provinces et un autre interdisant le franchissement
des frontières en période électorale; que
manifestement M. Condé avait tenté de franchir la
frontière terrestre; que, de plus, un sac a été
trouvé en sa possession, qui contenait des sommes importantes
d'argent en devises diverses et un carnet où étaient
consignés les détails de dépenses d'armements
et d'autres articles connexes,
considérant que les deux membres de la délégation
et les sources présentent des versions très divergentes
des conditions de détention de M. Condé et de l'action
judiciaire intentée contre lui :
- Selon les sources, le professeur Condé, actuellement
détenu à la prison centrale de Conakry, est privé
des droits les plus élémentaires, à savoir
du droit de recevoir la visite de sa famille et de ses proches,
et de rencontrer régulièrement ses avocats " qui
ne peuvent le voir ni quand ils veulent, ni comme ils le doivent ".
Les rares visites autorisées auraient toujours lieu sous
forte surveillance militaire. Par ailleurs, des personnalités
étrangères, un groupe de députés de
l'Assemblée nationale du Mali et deux avocats sénégalais
par exemple, n'auraient pas été autorisées
à le rencontrer. Un membre français du collectif
des avocats qui défend M. Condé a été
refoulé à l'aéroport de Conakry au motif
que " sa présence sur le territoire guinéen
est susceptible de porter atteinte à l'ordre public ".
Par ailleurs, selon les informations reçues, les autorités
judiciaires saisies du dossier de M. Condé se réfèrent
sans cesse à l'exécutif pour toutes décisions,
raison pour laquelle, le 22 février 1999, le collectif
des avocats a préféré démissionner
plutôt que de cautionner " une parodie de justice ".
Pour protester contre le traitement qui lui est infligé,
M. Condé a fait une grève de la faim. Son état
de santé serait très préoccupant.
- Selon les deux membres de la délégation guinéenne,
M. Condé a d'abord été détenu
dans une villa de l'Organisation de l'unité africaine (OUA)
où il recevait des visites sans limitation et donnait des
interviews, raison pour laquelle il a été transféré
en prison où il est détenu dans une cellule avec
corridor et terrasse, où il a l'électricité,
un robinet avec l'eau courante, des toilettes avec chasse d'eau,
deux lits, une table et une chaise. Son état de santé
est suivi par son médecin personnel, le docteur Cissé,
qui a confirmé à l'un des membres de la délégation
que M. Condé se portait bien. L'équipe des
avocats de M. Condé se compose de cinq avocats de
son choix, y compris l'avocat français qui a été
refoulé à l'aéroport faute de convention
entre les deux pays. M. Condé est interrogé
uniquement en présence de ses avocats.
considérant également que, selon la source,
le dimanche 20 décembre 1998 dans la matinée, l'opposition
a organisé une marche pacifique à Siguiri pour réclamer
la libération du professeur Alpha Condé et que les
manifestants " n'avaient ni caillou, ni bâton,
ni tam-tam "; qu'aux trois quarts du parcours
des manifestants, la police anti-émeute et des militaires
auraient tiré sur eux et que MM. Keïta et Kouyate
auraient été arrêtés alors qu'ils transportaient
des blessés, frappés et jetés dans une fourgonnette,
puis emmenés au domicile du préfet, interrogés
et enfin ramenés chez eux,
considérant en outre que le lendemain, vers 11 heures,
ils auraient été à nouveau arrêtés
et conduits à la gendarmerie, puis vers 19 heures
emmenés au camp militaire de Kankan où les auraient
rejoints les autres députés, arrêtés
à leur domicile, et près de 70 hommes et femmes
de Kankan; que le 27 décembre 1998, les députés
auraient été transférés à la
prison centrale de Kankan et relâchés après
trois mois de détention après que le tribunal de
première instance de Kankan eut, le 16 mars 1999,
reconnu les quatre parlementaires coupables d'atteinte à
l'ordre public et d'organisation de manifestations non autorisées,
considérant que, selon les sources, ils ont tous
été condamnés à quatre mois de prison
ferme et une amende de 150 000 francs guinéens
chacun et, selon les deux membres de la délégation
guinéenne, à quatre mois d'emprisonnement dont un
mois avec sursis; qu'ils ont repris leur activité parlementaire,
notant que, dans une lettre du 5 janvier 1999 adressée
au Président de la République, le Président
de l'Assemblée nationale s'est enquis des motifs légaux
de ces arrestations et de la détention des députés
au vu de la loi fondamentale de la République de Guinée,
qui stipule en son article 9 que " nul ne peut
être arrêté, détenu ou condamné
que pour les motifs et dans les formes prévus par la loi "
et en son article 52 qu'" aucun député
ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi
ou arrêté, en matière pénale, qu'avec
l'autorisation de l'Assemblée nationale, sauf en cas de
flagrant délit " (alinéa 2),
notant que, selon les informations fournies à l'audition,
une peine de prison de plus de trois mois entraîne la perte
du mandat parlementaire et l'interdiction de se présenter
aux élections,
sachant que la Guinée est partie au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples qui garantissent
le droit à la liberté de la personne (art. 9
et 6, respectivement) et le droit à un procès équitable
(art. 14 et 7, respectivement),
- remercie la délégation de la Guinée
de sa coopération et des informations qu'elles a fournies;
- rappelle que l'immunité accordée aux
parlementaires vise à leur permettre d'exercer pleinement
et librement leur mandat et à les mettre à l'abri
de toutes poursuites pouvant être politiquement motivées;
- affirme que le respect mutuel des compétences,
prérogatives, droits et privilèges des différents
pouvoirs de l'Etat est indispensable à la primauté
du droit et au bon fonctionnement de la démocratie parlementaire;
- se déclare vivement préoccupé
de ce que de MM. Condé, Kaba, Kouyate, Keïta
et Mme Keïta aient été arrêtés
sans la moindre autorisation et sans que l'Assemblée nationale
en ait été informée; rappelle qu'en
vertu de l'article 52 de la loi fondamentale toute arrestation
ou détention d'un député nécessite
l'autorisation préalable de l'Assemblée,
sauf en cas de flagrant délit, et souhaiterait connaître
les motifs et faits invoqués par l'exécutif pour
justifier cette façon de procéder;
- rappelle que, selon un principe général
des droits de l'homme énoncé dans les normes internationales
auxquelles la République de Guinée a souscrit, nul
ne peut être privé de sa liberté si ce n'est
pour des motifs et conformément à la procédure
prévus par la loi;
- se déclare profondément préoccupé
par les circonstances de l'arrestation de M. Condé
telles qu'elles lui ont été présentées
par des membres de la délégation guinéenne
et par les circonstances de l'arrestation des autres députés
concernés, et souhaite savoir si des mandats d'arrêt
avaient été délivrés en bonne et due
forme;
- est également préoccupé par la
condamnation de MM. Kaba, Kouyate et Keïta et de Mme Keïta
à une peine de quatre mois de prison ferme, selon une source,
et de quatre mois dont un avec sursis, selon l'autre, ce qui semble,
dans un cas comme dans l'autre, leur interdire de se présenter
aux élections; apprécierait de recevoir des
éclaircissements à ce sujet ainsi que le texte du
jugement;
- se déclare profondément préoccupé
par les rapports fondamentalement divergents concernant les
conditions de détention et l'état de santé
de M. Condé, et apprécierait de recevoir
de plus amples informations à ce sujet;
- note avec préoccupation qu'un avocat étranger
s'est vu refuser l'entrée dans le pays au motif que, selon
les autorités, il n'existe pas de convention de réciprocité
entre les deux pays sur la pratique de la profession d'avocat,
alors qu'il semblerait que rien ne puisse empêcher une personne
munie d'un visa en bonne et due forme d'entrer dans le pays et
d'y conseiller des avocats guinéens;
- prie le Secrétaire général de
faire part de la présente décision au Président
de la République, au Premier Ministre, au Ministre de la
Justice et au Président de l'Assemblée nationale,
en les invitant à fournir l'information demandée;
- prie le Comité des droits de l'homme des parlementaires de poursuivre l'examen de ce cas et de lui faire rapport à
sa prochaine session (octobre 1999).
Note : vous pouvez télécharger une version électronique du texte intégral de la brochure "Résultats de la 101ème Conférence et réunions connexes de l'Union interparlementaire" au format PDF (taille du fichier environ 570K). Cette version nécessite Adobe Acrobat Reader que vous pouvez télécharger gratuitement. |  |
Droits de l'homme des parlementaires | Page d'accueil | Principaux domaines d'activités | Structure et fonctionnement
|